Originaire de Lyon, Xavier (1867-
1966) et Léon (1875-1936) Givaudan sont des exemples de la réussite industrielle d’avantguerre.
Très vite, ils excellent dans la production de parfums de synthèse, de produits chimiques et de savon et font fortune à l'aube du XXe siècle.
Xavier Givaudan commence ses études à la célèbre école de la Martinière à Lyon qu’il fréquente avec les frères Lumière puis obtient son diplôme de pharmacien. Dès 1891, il crée une société à Lyon, qui prendra plus tard le nom de Givaudan-Lavirotte & Cie, consacrée à la fabrication de produits chimiques et pharmaceutiques. Son frère Léon, étudiant à l’Ecole Polytechnique de Zurich, effectue des recherches sur les huiles essentielles et les parfums synthétiques.


Très unis, les deux frères louent un grand terrain à la ville de Genève au bord du Rhône, à Vernier, à la fin du XIXe siècle. Ils y montent une usine de production et fondent la Société Léon Givaudan et Compagnie qui se fait rapidement connaître des parfumeurs. Appelé sous les drapeaux en 1914, Léon fait venir son frère Xavier de Lyon pour prendre la direction de l'entreprise de Vernier et y développer les affaires familiales. Ce dernier se fixe définitivement à Genève en 1917 où il achète un hôtel particulier à l'angle de la rue de la Cloche et du quai du Mont-Blanc. En 1938, il acquiert à la famille Tronchin, le domaine de Bessinge avec son contenu, propriété de 50 hectares situé à l'emplacement de l'actuel golf de Cologny.


Après la guerre, Léon s’installe à Paris et le succès de la maison Givaudan va s’étendre largement au-delà des frontières francosuisses: les succursales fleurissent en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne, aux Etats-Unis, au Brésil...
Entrepreneurs érudits, les deux frères sont de fins connaisseurs de l’art du XVIIIe siècle français. Leur fortune leur permet de rassembler des pièces d’exception, souvent par l’intermédiaire de grands marchands qui les conseillent et les aiguillent dans leurs choix. Ainsi, par exemple, Jacques Seligmann & Fils à Paris, qui comptait parmi Camondo, le baron Edmond de Rothschild, ou encore Henry Frick, fait acquérir à Xavier une magnifique paire de candélabres attribuée à Rémond (lot 591) et conseille les deux frères pour des achats de tableaux, notamment ceux de Hubert Robert (lots 803 et 804) à la galerie Charpentier... En témoignent les factures de Seligmann et les notes conservées dans les archives familiales.
Xavier décède en 1966, il lègue alors sa fabuleuse collection de tabatières en or serties d’émaux et de pierres précieuses du XVIIIe siècle au musée d’Art et d’Histoire de Genève et reçoit la même année, la médaille Genève reconnaissante en remerciement de toutes ses actions philanthropiques effectuées dans le canton.
Tous les lots marqués en bleu dans ce catalogue proviennent des collections de Xavier et Léon Givaudan, (le premier ayant hérité d'une partie des biens de son jeune frère mort en 1936), puis par héritage jusqu'aux propriétaires actuels.
Une sélection de sa bibliothèque du XVIIIe siècle sera mise en vente lors de notre prochaine vacation de livres anciens en juin 2017.

Les archives de la famille fournissent de nombreuses notes et factures offrant une traçabilité des objets s’étendant parfois sur près de deux siècles et établissent la provenance tout à fait exceptionnelle de la plupart des biens de cette collection. Ainsi, l'historique des sanguines de Hubert Robert (lots 803 et 804) se lit sans discontinuer depuis leur héritage par la veuve de l'artiste jusqu'à nos jours. De même, nous avons pu retracer toute l’histoire du tableau de Boilly (lot 793) depuis 1818 - soit moins de 12 ans après sa création vers 1807 - jusqu’à aujourd’hui.
Tous les lots marqués en bleu dans le catalogue (et sa version pdf) proviennent des collections de Xavier et Léon Givaudan.


Cette notice historique accompagnée de photos se retrouve aux pages 104-105, 156 et 158 du catalogue papier (ansi que sur le e-catalogue ou PDF).

794
CHF 40 000-60 000.-
CHF 220 000.-
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), "Homme debout drapé pointant sa main droite vers un crâne ", sanguine sur papier, avec signature «fragonard» et inscription sur le montage «IL A ÉTÉ CE QUE JE SUIS : CE QU’IL EST JE LE SERAI BIENTÔT.» sur le montage , 43,5x30,5 cm (feuille)

Provenance :

- Camille Marcille, Paris (son étiquette, Lugt 605a, au dos du cadre avec le numéro manuscrit «513 »)
- François-Hippolyte Walferdin, sa vente, Paris, 12-16 avril 1880, n° 254
- collection Cahen d’Anvers, Paris
- acquis en 1922 par M. Givaudan, puis par héritage jusqu'à ce jour

Bibliographie:
- R. Portalis, Fragonard, sa vie, son œuvre, Paris, 1889, p. 315
- A. Ananoff, L’œuvre dessiné de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Paris, II, 1963, no. 764 et III, 1968, p. 327

Ce dessin, dans un état de conservation remarquable, montre un homme pointant du doigt vers un crâne posé et philosophant sur la fragilité de la vie, comme indiqué par l’inscription sur le montage. Témoignage de son importance, le dessin a été gravé à la manière de sanguine et dans le même sens par Gilles Demarteau (1722-1776) sous le titre Pensez-y bien.

Comme souvent avec Fragonard, la datation de cette feuille n’est pas aisée. D’un côté, sa technique et son sujet le rapprochent d’un groupe d’académies masculines datant du séjour italien de l’artiste, de 1756 à 1761. Certains de ces dessins, en particulier trois aujourd’hui au Musée Atger à Montpellier (Ananoff, op. cit., I, 1961, nos. 241, 242 et 244), portent des inscriptions « fragonard » à la plume et encre noire qui sont similaires à celle, cette fois à la mine de plomb, visible sur la présente feuille. Mais celle-ci n’est pas une simple étude académique, l’artiste y a ajouté une dimension allégorique, absente des autres dessins du groupe qui sont avant tout des études de draperie. De plus, la sanguine y paraît appliquée avec plus de fluidité, les plis plus souples et moins cassants et les contrastes plus subtils. Enfin, la gravure de Demarteau date de manière sûre de 1772 ou 1773 et il paraît logique qu’elle ait été exécutée d’après une œuvre contemporaine de Fragonard et non d’après une réalisée plus de dix ans auparavant. D’ailleurs, les deux autres gravures de Demarteau d’après Fragonard, un Portrait de Bergeret de Grancourt et une Étude de femme, reproduisent des dessins généralement datés de 1770-72.

Le dessin a fait partie de deux des plus importantes collections de dessins de Fragonard formées au dix-neuvième siècle, celles de Camille Marcille (1816-1865) et de François-Hippolyte Walferdin (1795-1880).