Provenance: acquis à Paris en 1987 directement de l'artiste à Paris en 1987 par les actuels propriétaires (collection privée, Suisse)
«L’art abstrait, loin d’être séparé de la nature, lui est plus intimement lié que ne le fut jamais l’art dans le passé » disait Wassily Kandinsky.
Chu Teh-Chun, formé à la peinture et à la calligraphie chinoise, fut désigné comme un « peintre de la dynastie des Song au XXe siècle » après la série de ses « Paysages français » de 1960 où de profondes réminiscences chinoises pouvaient être ressenties. Cependant, cette désignation ne saurait suffire pour décrire le style de l’artiste qui n’a pas encore trouvé sa pleine expression poétique.
Entre les années 1960 - 1970, Chu Teh-Chun se détache de l’influence – certes modeste - de Kandinsky et pousse la création d’un monde particulier qu’il fait naître sur ses peintures. Son enseignement par la copie des grands maîtres n’a probablement pas manqué d’ancrer en lui – et dans ses toiles- les grands principes de la peinture dictés par Xie He (420-479) : Le Souffle ou la « vie » autonome de l’œuvre, en mouvement et en rythme, la relation entre objet, idée et forme, la correspondance des couleurs, l’importance de la composition et, bien sûr, le travail du trait.
En effet, la création d’une peinture de Chu comptait deux temps. L’un, « la première couche », comme il l’appelait, peut être vu comme la vibration de l’idée, le fameux « souffle » posée sur la toile en quelques heures. Venait ensuite « le métier » comme le qualifiait modestement l’artiste, soit le travail du geste et des couleurs.
Ainsi la représentation de la nature selon l’abstraction de Chu Teh-Chun est « une peinture très sentimentale », comme il le dira lui-même, à la fois peinture et poésie, une abstraction lyrique, et non synthétique. La passion pour la poésie Tang et Song ne quittera jamais Chu, et imprègne toute son œuvre. Cette littérature, éminemment sensible, nous paraît presque devenir une légende des « Pays Chu » comme Michel Ragon qualifiait les paysages abstraits de Chu Teh-Chun. Ainsi, un poème de Fan Zhongyan (989-1052), trouve un écho saisissant dans notre tableau :
"Là-haut des nuages d'émeraudes
Et sur le sol des feuilles jaunes
Sur les reliefs ondoyants aux teintes d'automne
Se répandent des froides brumes aux reflets glauques.
Le soleil décline au-dessus des collines
dont les vagues se mêlent au ciel.
Inexorable l'herbe au parfum douceâtre
s'étend jusqu'au-delà des hautes montagnes."
"A l'abri du
rideau du Sud", Fan Zhongyan (dynastie Song)